La plupart d’entre nous avons déjà entendu un aîné souffrant de solitude ou de dépression dire qu’il attendait la mort.
Ce sentiment de tristesse et de solitude est vécu par de nombreux aînés. Mère Teresa disait que « le sentiment de ne pas être aimé est la plus grande des pauvretés ». Ce sentiment de solitude peut être transitoire, en lien avec les événements de la vie, mais il peut aussi perdurer lorsque les incapacités physiques et cognitives empêchent les aînés de saisir des occasions de socialiser, par exemple.
Différents facteurs de risque ont un impact sur ce sentiment et sur la qualité de vie.(1) Le décès du conjoint ou de la conjointe peut entraîner des symptômes de dépression et un retrait de la vie sociale. Les conséquences négatives du veuvage semblent d’ailleurs plus importantes chez les hommes. Les aînés qui vivent seuls, qui ont peu d’amis ou de famille éprouvent une plus grande solitude. Les femmes rapportent davantage de solitude que les hommes, notamment parce qu’elles vivent plus longtemps. La culture, la personnalité et les expériences de vie peuvent aussi expliquer pourquoi certains aînés éprouvent un sentiment de solitude plus prononcé que d’autres.
Bien que nous ayons une meilleure connaissance des facteurs de risque et des impacts de la solitude, il importe de mieux comprendre le phénomène de la solitude, et ce, de la perspective des aînés.
Ce que la recherche nous apprend
Une revue systématique recensant 11 études qualitatives a examiné la solitude des aînés et ses effets négatifs sur leur bien-être, la satisfaction de leurs besoins et leur qualité de vie.(1) Dans cette revue, la solitude était définie comme de la souffrance engendrée par le manque d’interactions sociales, et ce, tant en quantité et qu’en terme de qualité. Le titre de la revue systématique est particulièrement évocateur : « Pris au piège dans une salle d'attente vide ».
Quatre thèmes principaux ont été identifiés : les émotions négatives, la perte de relations interpersonnelles significatives, la perception de soi et les stratégies pour y faire face.
1. Les émotions négatives
La solitude est perçue comme un mur qui sépare les aînés de leur environnement, les laissant impuissants et emprisonnés dans une vie dénuée de sens.
Les aînés rapportent être submergés par des émotions négatives comme la tristesse et la douleur, ainsi que la colère ou la déception lorsqu’ils se sentent négligés, rejetés ou incompris par leurs proches. La peur et l’anxiété sont des sentiments que plusieurs aînés éprouvent, car ils ont peur d’être un fardeau pour les autres, ne veulent pas être forcés de déménager et se sentent vulnérables en raison de la maladie et de la diminution de leurs capacités.
Aussi, lorsque l’aîné est l’un des derniers représentants vivants de sa génération, le sentiment d’abandon et le désir de mourir sont souvent exacerbés.
2. La perte de relations interpersonnelles significatives
Le décès d’un être cher contribue grandement au sentiment de solitude. La qualité des contacts sociaux est plus importante que la quantité : les aînés privilégient les relations authentiques avec des amis ou des voisins plutôt qu’avec des membres de leur famille qui se sentent obligés de venir les visiter.
Plusieurs aînés trouvent difficile d’être mis de côté par leur famille ou leurs amis qui sont occupés à vivre leur propre vie.
La solitude est également plus marquée lors de moments significatifs de la journée ou de l’année : les repas, les festivités, les vacances, le soir et la nuit.
3. La perception de soi
Les aînés se disant seuls se sentent souvent inutiles dans leur communauté, ce qui a une influence sur leur estime de soi. Le fait de contribuer d’une manière ou d’une autre à la société les valorise, savoir qu’ils comptent pour leurs proches donne du sens à leur existence.
La retraite, la perte du permis de conduire et le manque de transports publics pour participer aux activités, leurs faibles moyens financiers, leur déclin cognitif et physique, ainsi que l’absence de services appropriés contribuent à l’isolement social des aînés et à leur sentiment d’être sans valeur.
4. Stratégies pour faire face à la solitude
Certains aînés sont honteux de se sentir seuls et croient qu’ils sont responsables de cet état, ce qui motive leur repli. En parler est difficile, car vécu comme un aveu de faiblesse, un effort trop grand, un fardeau qu’ils ne veulent pas faire subir à leur famille.
Selon leur état de santé et leurs capacités, certains aînés sont plus actifs, ils tentent de se tenir occupés en jardinant, en faisant du bénévolat, en téléphonant à des amis ou des proches, en écoutant la télévision, en s’occupant d’un animal, en cherchant le réconfort dans la religion, et en acceptant leur situation en tentant d’y trouver du positif. Le déclin de leur santé et le manque d’énergie les empêchent toutefois de réaliser plusieurs activités qui leur permettraient de se sentir moins seuls.
Faire une brèche dans le mur de la solitude
Les professionnels de la santé et des services sociaux, les amis, les membres de la famille et le voisinage peuvent briser le mur de la solitude, que ce soit en repérant les aînés isolés, en leur offrant des soins humains sans les infantiliser, en les visitant régulièrement, en maintenant un réseau autour d’eux, en favorisant des activités inter-générationnelles, ou en leur permettant de participer à des activités qui leur plaisent et qui leur donnent le goût de vivre, comme la peinture, la musique, des promenades (2). Ensemble, il est possible de faire une brèche dans le mur de solitude affectant nos aînés.