Dans notre société axée sur la technologie, l’accès et la maîtrise des outils numériques sont essentiels pour accéder à l’information, obtenir des services et communiquer. On entend de plus en plus parler de l’intelligence artificielle (IA) et de ses applications, notamment dans les domaines de la santé, de l’emploi et de l’éducation.
Toutefois, des sommités ont récemment demandé de suspendre le développement de certains systèmes avancés d’intelligence artificielle afin de mieux l’encadrer.(1) En effet, ces systèmes sont alimentés par des données pompées sur Internet, sans égard à leur véracité. Ces données reflètent donc les préjugés implicites et explicites de la société, ce qui peut créer de la désinformation et exacerber les inégalités : racisme, sexisme… et âgisme.
L’âgisme est omniprésent et engendre de l’isolement social, de la solitude, de la précarité financière, une baisse de la qualité de vie et des décès prématurés. L’Organisation mondiale de la Santé estime que plus de 6 millions de cas de dépression dans le monde sont dus à l’âgisme.(2) Les personnes âgées utilisent moins Internet que les plus jeunes, mais l’écart se réduit.(3) Les services en ligne, les réseaux sociaux et les plateformes de partage sont des outils qui permettent à de plus en plus de personnes âgées de s’informer, de s’engager socialement, d’être autonome et connectés avec la famille, les amis et la communauté.
Compte tenu du vieillissement de la population, la question se pose : est-ce que les préjugés liés à l’âge sont encodés et amplifiés dans les systèmes d’intelligence artificielle (IA) ?
Âgisme et fracture numériques
Une récente synthèse des données probantes s’est penchée sur la question.(4) Les résultats révèlent encore une fois la fracture numérique entre ceux qui ont accès aux technologies numériques et ceux qui n’y ont pas accès. Cela crée une disparité d’accès et limite la participation sociale et communautaire.
Malgré qu’elles soient de plus en plus nombreux à utiliser Internet, les personnes âgées sont moins susceptibles d’y avoir accès en raison de facteurs psychologiques ou d’obstacles physiques comme des handicaps, par exemple. Une autre barrière existe : les interfaces sont rarement conçues pour cette clientèle, pensons par exemple aux petits caractères, aux couleurs peu contrastées, aux termes techniques déroutants et aux procédures d’inscription ou d’authentification laborieuses.
Biais dans les systèmes d’IA
L’IA traite rapidement beaucoup de données pour établir des corrélations, prédire des comportements et résoudre des problèmes. Sur certains sujets, il n’y a pas assez de données disponibles sur les personnes âgées pour entraîner les systèmes d’IA ou créer des applications utiles et adaptées à cette population.
Les perceptions et les capacités psychomotrices des personnes âgées ne sont pas prises en compte lors de la conception et du développement d’applications technologiques, ce qui contribue à un faible taux d’adoption des technologies.
Certains concepteurs semblent croire que les seules applications numériques dont les personnes âgées ont besoin sont celles leur permettant de gérer leur santé. Ce biais entretient l’idée que les personnes âgées constituent un bloc homogène de gens ayant des problèmes de santé et qui n’ont pas d’autres besoins, intérêts et aspirations. Les systèmes qui utilisent l’IA vont utiliser ces données et ces représentations biaisées et ainsi perpétuer cette discrimination, ce qui accentuera le décalage entre ce qui est offert aux personnes âgées et leurs besoins réels.
Implications éthiques et juridiques
Il n’existe pas de code juridique mondial uniforme pour la gouvernance de l’IA. L’élaboration de lois et de règlements pose des défis en lien avec leur application à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. De plus, dans le contexte canadien, les pouvoirs en matière de soins de santé et de droits de la personne sont partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces, ce qui rend l’exercice complexe. De plus, au-delà des questions de compétence, les gouvernements doivent veiller à protéger le public sans étouffer l’innovation, tout en étant conscients que certains algorithmes d’IA bénéficient de la protection de la propriété intellectuelle.
Perspectives d’avenir
La pandémie COVID-19 a permis d’accélérer l’utilisation et l’adoption des technologies numériques. De plus en plus de personnes intégreront celles-ci dans leur vie, que ce soit pour accéder aux soins de santé ou être connectés socialement. Certaines mesures pourraient dès aujourd’hui permettre de faciliter l’inclusion des personnes âgées :
- Prendre en compte les besoins des personnes âgées pour créer des interfaces intuitives, faciles à utiliser et adaptées à divers niveaux de compétence technologique.
- Offrir plus de formations et de ressources pour développer les compétences technologiques de personnes âgées.
En travaillant ensemble pour surmonter les défis de l’âgisme numérique, nous pouvons créer un monde numérique où chaque génération aura une voix!