Certains quartiers centraux et défavorisés vivent parfois de grands bouleversements que l'on appelle de la gentrification. Des promoteurs peuvent vouloir tirer profit du faible coût des terrains et immeubles de ces quartiers pour y amener de nouveaux commerces, cafés, entreprises ou espaces locatifs. La vocation de certains immeubles est donc appelée à changer. D’autres sont rénovés de fond en comble ou même démolis pour faire place à de nouveaux édifices plus luxueux. Les taxes municipales et les loyers peuvent alors augmenter de façon drastique, forçant les résidents et commerçants moins fortunés à s’exiler en zones périphériques.
La gentrification est un phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil social et économique du quartier au profit d’une couche sociale plus aisée.(1; 2)
La gentrification des quartiers peut avoir un impact significatif sur nos aînés qui ont souvent des revenus faibles et précaires. Ils désirent bien souvent vivre le plus longtemps possible dans leur domicile et dans leur quartier où ils se sentent en sécurité. Ils sont habitués à faire leurs courses à pied dans les commerces de proximité, ce qui contribue à leur autonomie. Des chercheurs se sont penchés sur le phénomène de gentrification pour mieux comprendre ses répercussions sur nos aînés.
Ce que la recherche nous apprend
Certaines études révèlent que les aînés sont plus susceptibles de vivre de l’exclusion sociale lors de la gentrification de leur quartier.(3; 4) Cette mise à l’écart se produit dans sept dimensions de la vie en société et mène à des inégalités. Ces dimensions sont :
1) Exclusion symbolique : la gentrification peut nourrir les préjugés et stéréotypes négatifs à l’égard des personnes âgées, mais aussi contribuer à leur invisibilité sociale.
2) Exclusion identitaire : la gentrification peut nier les identités individuelles et les réduire à la seule identité du groupe « des personnes âgées ».
3) Exclusion sociopolitique : la gentrification peut contribuer à une diminution de la participation des aînés aux instances politiques et de leur influence dans les institutions. Les études mentionnent que la « voix » de la zone gentrifiée devient celle de la classe moyenne et des professionnels qui s’y sont établis, une voix qui résonne davantage avec celle des autorités locales qui veulent voir venir s’établir des entreprises, supprimer les logements sociaux inesthétiques et la pauvreté.
4) Exclusion institutionnelle : la gentrification peut nuire à l’accès aux services requis par les personnes âgées.
5) Exclusion économique : la gentrification peut nuire aux ressources financières des aînés, par une hausse des coûts des loyers, des taxes municipales et des services, notamment.
6) Exclusion des liens sociaux significatifs : la gentrification peut bouleverser l’entourage et les liens sociaux des aînés. Dû à une fréquentation déclinante et un manque de relève, il n’est pas rare de voir des églises, des centres communautaires, des clubs de l’âge d’or et des bingos fermer leurs portes. Parfois, ces lieux de sociabilité étaient les seuls permettant aux aînés de se regrouper avec leurs pairs, de discuter et de pratiquer certaines activités. Leur perte peut aggraver l'isolement des aînés.
7) Exclusion territoriale : la gentrification peut réduire la liberté géographique des aînés, les confiner à des espaces plus restreints dans des quartiers en périphérie, plus modestes et où ils sont moins à l’aise de circuler.
Revitaliser les quartiers en préservant la mixité sociale
La revitalisation des quartiers peut apporter un vent de changements positifs: de nouveaux services, une nouvelle énergie, des investissements, la réhabilitation de bâtiments et de vieilles maisons (2; 5). Il faut toutefois éviter que la gentrification contribue encore plus à l’exclusion des personnes vulnérables et à leur déplacement vers les zones périphériques. Responsables de politiques, leaders communautaires et citoyens peuvent jouer un rôle crucial afin de trouver des solutions, incluant de nouvelles politiques sociales, urbaines et de logement, permettant de préserver la mixité sociale de nos quartiers.(5)