En quoi dessiner des horloges est-il pertinent pour la conduite automobile? Les tests d’habiletés cognitives peuvent repérer les conducteurs âgés qui risquent de présenter un danger au volant

Les messages clés

  • Les changements dans la santé et les conditions médicales qui peuvent affecter la capacité de conduite sont plus fréquents avec l'âge.
  • La possession du permis de conduire par les personnes âgées se traduit par des niveaux d’activité sociale plus hauts.
  • Les résultats au test de l’horloge peuvent servir à dépister les conducteurs âgés atteints de troubles cognitifs et qui peuvent avoir besoin d’une évaluation plus approfondie.
  • À l'heure actuelle, il n'y a pas de test de dépistage cognitif unique qui peut à lui seul déterminer avec une certitude absolue si une personne âgée est apte à conduire.

Obtenir son permis de conduire est un rite de passage qui symbolise pour un grand nombre de personnes la liberté

On attribue à l’inventeur allemand Karl Benz la première automobile moderne (1) mais l’avènement du culte de la voiture est un phénomène plus récent. La dépendance à l’automobile comme moyen de transport est particulièrement forte chez les personnes nées après la guerre entre 1946 et 1964. C’est la génération des « baby-boomers ». La majorité des baby-boomers ont maintenant atteint l’âge de 65 ans et ils forment le segment le plus important des conducteurs titulaires d’un permis de conduire au Canada (2). Les baby-boomers adorent leur voiture et l’autonomie qu’elle leur procure.

Les personnes âgées titulaires d’un permis de conduire et propriétaires d’une voiture sont plus susceptibles de prendre part à des activités sociales qu’on associe à la qualité de vie (2). Bien que la conduite d’une automobile tard dans la vie adulte puisse faciliter les liens sociaux (rencontrer la famille et les amis), cela reste néanmoins une source de préoccupations (2). Après les adolescents, ce sont les personnes âgées de 70 ans et plus qui présentent le plus haut taux d’accidents de la route en tenant compte de la distance parcourue. Malheureusement, les personnes âgées sont plus susceptibles d’être tuées ou gravement blessées quand elles sont impliquées dans un accident de la circulation en raison de leur fragilité physique (2). De plus, le pourcentage d’accidents avec responsabilité grimpe de 38 % pour les conducteurs de 45 à 54 ans à 66 % pour ceux qui sont âgés de 75 à 84 ans (3,4). Les recherches suggèrent aussi qu’il y a un plus grand risque d’accidents aux intersections pendant le jour, et une plus forte probabilité d’impliquer plusieurs véhicules (5). Les accidents de voiture sont aussi plus susceptibles de survenir quand les conditions météorologiques sont bonnes (6). Il est cependant important de souligner que toutes les personnes âgées ne sont pas sujettes aux accidents de voiture ou ne sont pas des conducteurs dangereux.

On attribue les problèmes avec la conduite automobile des personnes âgées aux modifications de leur état médical et fonctionnel. Cela signifie que les problèmes avec la conduite automobile ne relèvent pas des modifications du vieillissement normal mais probablement d’autres problèmes de santé. La question fondamentale est d’évaluer adéquatement à quel moment des problèmes potentiels mettent les personnes à risque quand elles conduisent.

Avec le vieillissement de la population, les professionnels de la santé et le personnel responsable de la délivrance des permis ont besoin d’outils de dépistage leur permettant d’identifier avec exactitude les conducteurs qui présentent un risque sur le plan médical.

La conduite automobile est une tâche complexe qui fait appel à un grand nombre d’habiletés et de fonctions corporelles différentes. Pour conduire en toute sécurité, il faut intégrer les habiletés visuelles, cognitives (fonctionnement cérébral), physiques et perceptuelles. En vieillissant, les personnes sont plus susceptibles de développer des problèmes médicaux qui perturbent ces habiletés et peuvent affecter négativement leur capacité de conduire (2, 7). D'un intérêt particulier est le sous-groupe de conducteurs qui peuvent ne pas être conscient du déclin de leurs capacités attribuable à un trouble cognitif (fonctionnement cérébral). En Ontario seulement, on estime que le nombre de conducteurs atteints de démence doublera au cours des prochaines années pour atteindre 100 000 en 2028 (8). En conséquence, il sera important d'évaluer ceux qui ne sont pas conscients qu'ils ont des problèmes. Les organismes de réglementation se concentrent sur le développement de façons de dépister ces conducteurs. Ces tests de dépistage serviront à repérer ceux qui ont des problèmes cognitifs. À l'heure actuelle, il n'y a pas de test unique qui peut en tant que tel déterminer si un conducteur est « inapte cognitivement ». Cependant, il existe des données selon lesquelles les résultats de certains outils d'évaluation peuvent repérer les conducteurs qui ont besoin d'une évaluation plus approfondie. Le test de l'horloge est un exemple d'un tel outil (9).

Quelle sont les données scientifiques qui lient le résultat du test de l'horloge et la sécurité au volant chez les conducteurs âgés ?

Il y a des preuves scientifiques que l’incapacité d’accomplir une tâche simple et rapide, comme de dessiner une horloge, est associée à la capacité d’une personne de conduire une voiture. Dessiner une horloge est en fait considéré comme une tâche qui nécessite un niveau élevé de fonctionnement cérébral. Le test de l'horloge peut indiquer les déficits liés à la perception visuelle (9). De la même manière, le test de l'horloge peut identifier des problèmes avec la mémoire à court terme et la planification (9). Il y a un certain nombre de méthodes de marquage valides pour le test de l'horloge qui incluent l'ordre, l'espacement et le placement des chiffres et des aiguilles de l'horloge. La personne en cours d’évaluation est habituellement invitée à dessiner une certaine heure sur l'horloge, et le résultat est notée en termes d'exactitude.


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Figure tirée de Understanding Dementia: A Primer of Diagnosis and Management, ©Kenneth Rockwood & Chris MacKnight, 2001.

Le test de l’horloge n’a pas été conçu dans le but spécifique d’évaluer la conduite automobile des personnes âgées. Cependant, les données de la recherche évaluant le test de l'horloge pour juger de la capacité de conduire s'avèrent être de qualité modérée à forte. La recherche montre que le test de l'horloge est un moyen rapide et facile de repérer les conducteurs qui peuvent éprouver des changements cognitifs (9; 10; 11). Cependant, les résultats au test de l'horloge seuls ne suffisent pas à révoquer le permis de conduire d'une personne. Les chercheurs ont suggéré que ce test, aux côtés d’autres mécanismes de dépistage, soit utilisé dans le cadre d’une première étape lorsqu’on évalue l’aptitude à conduire chez les personnes âgées (12). En fait, le ministère des Transports de l'Ontario a récemment mis en place une version du test de l'horloge dans le cadre de son programme de renouvellement des permis de conduire des conducteurs âgés de 80 ans et plus (13).

Les préoccupations en matière de sécurité publique quand il s'agit de dépistage des conducteurs âgés doivent être tenir compte des conséquence en matière de mobilité et de santé

La conduite automobile permet aux aînés de rester connectés à leurs communautés, de maintenir des liens sociaux et un accès aux services nécessaires, particulièrement dans les zones rurales où le transport en commun manque (2). La perte du permis de conduire à un âge avancé, volontaire ou non, a des conséquences négatives, y compris la dépression (14), une réduction du niveau d’activité à l'extérieur de la maison, l'isolement social, la solitude (15) et un risque plus élevé de placement en soins de longue durée (16). Tout changement dans les politiques et les procédures en matière de permis de conduire qui influe sur les conducteurs âgés (en raison du risque à la sécurité publique) doit envisager toutes les conséquences. Retirer le permis de conduire en raison d’un risque potentiel, doit tenir compte des conséquences potentiellement négatives sur la mobilité et la santé des personnes âgées.


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Références

  1. Ruiz, M. (1985). One Hundred Years of the Automobile, 1886-1986. Gallery Books.
  2. Turcotte, M. (2012). Profile of seniors' transportation habits. Can Soc Trends, 93, 1-16.
  3. Stewart, J. R., Reinfurt, D. W., Stutts, J. C., & Rodgman, E. A. (1999). At-fault crashes and casualties associated with older drivers. In Proceedings of the 43rd annual conference of the association for the advancement of automotive medicine, Barcelona, Spain, September 20-21, 1999.
  4. Baldock, M. R. J., Mathias, J. L., Kloeden, C. N., & McLean, A. J. (2002, November). The effects of age on road crash patterns in South Australia from 1994 to 1998. In Proceedings of the Road Safety Research, Australia: Policing and Education Conference, Department of Psychology, Road Accident Research Unit, University of Adelaide.
  5. Mayhew, D. R., Simpson, H. M., & Ferguson, S. A. (2006). Collisions involving senior drivers: high-risk conditions and locations. Traffic injury prevention, 7(2), 117-124.
  6. Transport Canada. (2001). Conducteurs âgés en cause dans des collisions de la route, 1988-1998 (Rapport No. RS2001-04.TP). Disponible en ligne http://donnees.tc.gc.ca/archive/fra/securiteroutiere/tp-tp2436-rs200104-menu-841.htm
  7. Association. médicale canadienne (2006). Évaluation médicale de l’aptitude à conduire – Guide du médecin (8e éd.).
  8. Hopkins, R.W., Kilik, L., Day, D.J.A., Rows, C., and Tseng, H. (2004). Driving and dementia in Ontario: A quantitative assessment of the problem. Canadian Journal of Psychiatry 49(7): 434-438.
  9. Freund, B., Gravenstein, S., Ferris, R., Burke, B.L., and Shaheen, E. (2005). Drawing clocks and driving cars: Use of brief tests of cognition to screen driving competency in older adults. Journal of General Internal Medicine, 20(3): 240-244.
  10. Oswanski, M.F., Sharma, O.P., Raj, S.S., Vassar, L.A., Woods, K.L., Sargent, W.M., and Pitock, R.J. (2007). Evaluation of two assessment tools in predicting driving ability of senior drivers. American Journal of Physical Medicine and Rehabilitation, 86(3): 190-199.
  11. Carr, D.B., Barco, P.P., Wallendorf, M.J., Snellgrove, C.A., and Ott, B.R. (2011). Predicting road test performance in drivers with dementia. Journal of the American Geriatrics Society, 59(11): 2112-2117.
  12. De Raedt, Rudi, & Ponjaert-Kristoffersen, I. (2001). "Short cognitive/ neuropsychological test battery for first-tier fitness-to-drive assessment of older adults." The Clinical Neuropsychologist. 15(3), 329-336.
  13. Senior Driver Renewal Program, Ontario Ministry of Transportation. https://www.ontario.ca/driving-and-roads/renew-g-drivers-licence-80-years-and-over
  14. Fonda S.J., Wallace R.B., Herzog A.R. (2001). Changes in driving patterns and worsening depressive symptoms among older adults. J Gerontol.; 56(6): S343-351.
  15. Marottoli R.A., de Leon C.F.M., Glass T.A. (2000). Consequences of driving cessation: decreased out-of-home activity levels. J Gerontol B Psychol Sci Soc Sci.; 55:S334-340.
  16. Freeman E.E., Gange S.J., Munoz B., Wet S.K. (2006). Driving status and risk of entry into longterm care in older adults. Am J Public Health.; 96:1254-1259

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