Chaque année, près de 25 000 Canadiennes et Canadiens sont hospitalisés ou meurent après s'être blessés intentionnellement.(1) Les gens peuvent délibérément se faire du mal de différentes façons : s’infliger des coupures avec des objets tranchants, se brûler la peau, faire des surdoses « mineures » de médicaments, se cogner la tête contre un mur, ou encore se priver délibérément de nourriture.
Les personnes qui s’infligent intentionnellement des blessures le font souvent pour faire face à un certain stress. Elles peuvent aussi souhaiter obtenir une forme de soulagement face à des sentiments douloureux ou pénibles, et communiquer leur douleur ou leur détresse aux autres.
Les blessures auto-infligées sont étroitement associées au suicide chez les personnes âgées et peuvent fournir l'occasion d'intervenir pour prévenir le suicide. Cela dit, la prévention du suicide chez les personnes âgées est complexe. De nombreux facteurs rendent cette population vulnérable, comme la détérioration de leur santé physique et mentale, l’apparition de déficiences cognitives et fonctionnelles, ou encore des facteurs interpersonnels et sociaux comme l’isolement social, la perte du réseau, le décès d’un proche et la dépression. D’après l’Association canadienne pour la prévention du suicide, plus de 10 adultes âgés de plus de 60 ans mettent fin à leurs jours toutes les semaines.(2) Les hommes âgés de 65 ans et plus sont davantage à risque, avec des taux de suicide de 20 sur 100 000 qui montent à près de 34 sur 100 000 chez les hommes de 90 ans et plus.
Alors, comment peut-on intervenir lorsqu’une personne âgée s’inflige des blessures intentionnelles?
Ce que la recherche nous apprend
Une récente revue systématique a identifié 20 études sur les soins prodigués à des personnes âgées qui se sont blessées intentionnellement.(3) Les études portaient sur trois éléments clés de la prise en charge des personnes âgées : la référence vers des services spécialisés, les outils d’évaluation du risque de suicide et la sécurité, ainsi que les stratégies d’engagement et d’intervention. Les patients examinés provenaient de différents contextes urbains ou ruraux, et les soins étaient prodigués dans différents milieux : services d’urgence, soins hospitaliers médicaux et psychiatriques, soins psychiatriques de proximité, soins résidentiels pour personnes âgées et soins primaires. L’âge moyen des patients variait entre 60 et 102 ans.
Malgré la faible qualité des études, les résultats dressent un portrait global des trois composantes évaluées :
1. Référence vers les services spécialisés
Le constat principal est que les personnes âgées qui sont dépressives, qui ont des pensées et même des comportements suicidaires sont peu orientées vers les services de santé mentale spécialisés ou de proximité. Une étude britannique rapporte que sur 10 patients âgés avec des comportements suicidaires, 1 patient a été orienté vers des services de santé mentale et 6 ont reçu une prescription pour un antidépresseur. Est-ce le reflet d’une compréhension limitée du risque élevé de suicide dans cette population vulnérable ou de l’âgisme dans la prise de décision clinique et la prestation de soins ?
Pourtant, une étude a montré qu’un suivi serré à différents niveaux semble efficace pour réduire les décès par suicide : l’attribution d’un rendez-vous psychogériatrique dans la semaine et la mise en lien urgente avec un gestionnaire de cas dédié à la personne en crise, des visites et des appels réguliers, une révision du plan de soins et une évaluation continue des progrès cliniques.
2. Outils d’évaluation du risque suicidaire et sécurité
Les outils et questionnaires standards de dépistage du suicide ont une faible sensibilité, ce qui entraîne des cas manqués ou des taux élevés de faux positifs. Une évaluation clinique des besoins, centrée sur la personne âgée, permettrait de mieux aborder les raisons à l’origine des blessures auto-infligées, tout en tenant compte des forces de la personne âgée, de ses stratégies d’adaptation et des circonstances psychosociales.
La planification de la sécurité des personnes âgées s’étant infligé des blessures est surtout basée sur la restriction des moyens (par exemple, restreindre l’accès à des objets tranchants, à des médicaments, à des armes à feu, etc.). Mais il serait souhaitable de miser aussi sur d’autres facteurs de protection : le réseau social et familial, les loisirs artistiques, les stratégies pour faire face aux défis dus au vieillissement, le bénévolat, la spiritualité, etc.
3. Stratégies d’engagement et d’intervention
Pour s’assurer que les personnes âgées s’infligeant des blessures soient adéquatement prises en charge, il faut envisager une approche à plusieurs niveaux : lutter contre l’âgisme, mieux diagnostiquer et traiter la dépression, mieux faire connaître les services et les ressources disponibles, planifier de manière collaborative avec les personnes âgées des services qui seront à la fois efficaces, adaptés et acceptables.
Demandez de l’aide
Il est difficile de déterminer si une personne s’infligent des blessures intentionnelles ou a des pensées suicidaires, car souvent elle n’en parle pas avant de passer à l’acte. Toutefois, certains signes avant-coureurs ou facteurs peuvent vous mettre la puce à l’oreille : marques ou blessures visibles sur le corps, anxiété et dépression, isolement social, insomnie, douleurs somatiques, refus de s’alimenter ou deuil récent.
Que ce soit pour vous ou pour un proche, n’hésitez pas à :
- appeler le 911 s’il y a une urgence immédiate
- appeler la ligne d’écoute téléphonique de prévention du suicide de votre région :
- partout au Canada : 1 833 456-4566 ou par message texte au 45645, https://suicideprevention.ca/resources/
- au Québec : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553) ou par message texte au 535353, https://suicide.ca/
- parler à votre professionnel de la santé et des services sociaux.