Il est commun d’entendre que les cancers se développent lentement chez les personnes âgées ou que les effets indésirables des traitements ne justifient pas de s’acharner à les soumettre à des traitements. L’arrêt des programmes de dépistage du cancer à un certain âge, souvent autour de 75 ans, ne signifie pas que les aînés risquent moins de souffrir d’un cancer.
La réalité, toutefois, c’est que l’incidence de développer un cancer augmente avec l’âge et qu’un cancer non traité peut avoir des effets négatifs sur la qualité de vie. Passé un certain âge, il est vrai que le dépistage ne réduit pas nécessairement la mortalité liée au cancer et que les préjudices peuvent peser davantage que les bénéfices potentiels, mais il faut évaluer au cas par cas.(1-2)
Grâce aux traitements et autres innovations thérapeutiques, le cancer est en quelque sorte devenu une maladie chronique chez plusieurs aînés. Il n’en reste pas moins que la prise en charge des cas de cancer dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée est un défi majeur.
À l’approche de la fin de vie, que ce soit par un manque de ressources, des difficultés à communiquer avec des patients atteints de démence, il peut être difficile de prodiguer les soins médicaux requis pour traiter le cancer (par exemple, une chirurgie, biopsie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, immunothérapie) et les effets indésirables se font davantage ressentir. Sachant que certains traitements contre le cancer peuvent entraîner un déclin fonctionnel et une surmortalité des aînés, la stratégie thérapeutique s’oriente souvent vers des soins de confort plutôt que vers des soins curatifs, ce qui permet d’améliorer la qualité de vie des patients dont l’espérance de vie est courte ou qui vivent déjà avec d’autres problématiques de santé, par exemple. Lorsqu’un cancer est dépisté et que l’aîné souhaite obtenir les traitements, il est souvent transféré en milieu hospitalier, ce qui amène son lot d’anxiété, de perte d’autonomie, de déracinement, et bien sûr des risques pour la santé (particulièrement chez les aînés fragiles). Comment prendre une décision qui vise à équilibrer les bénéfices et les inconvénients potentiels des traitements du cancer chez les aînés vivant dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée?
Ce que la recherche nous apprend
Une revue systématique de 65 études a permis d’identifier les barrières associées au traitement du cancer chez les aînés dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée.(3) Malgré la diversité des études et certaines faiblesses méthodologiques, plusieurs barrières à la prise en charge du cancer ont été identifiés, liés notamment à des barrières organisationnelles, culturelles et éthiques, mais aussi par un manque de connaissances du personnel.
Malgré la forte prévalence de cette maladie chez les personnes âgées, le diagnostic précoce semble être négligé dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée par rapport aux recommandations de dépistage, que ce soit par manque de volonté à effectuer les tests nécessaires, l’incapacité à identifier les signes de cancer lors des soins quotidiens (par exemple, des lésions de la peau ou dans la bouche), la banalisation des symptômes par l’aîné ou la complexité à organiser les tests et les rendez-vous.
L’âgisme est aussi une barrière culturelle qui limite l’accès des personnes âgées aux soins spécifiques du cancer, considérés comme des soins invasifs, source de détérioration de la qualité de vie et d’acharnement thérapeutique. Cependant, lorsqu’on leur demande leur avis et qu’ils sont en mesure de consentir, les patients âgés acceptent les traitements anticancéreux autant que les patients plus jeunes, mais lorsqu’ils le font, c’est qu’ils ont évalué que les avantages l’emportaient sur les inconvénients : ils ne sont pas prêts à échanger leur survie contre leur qualité de vie.
Pour une prise en charge des résidents atteints de cancer
Que vous soyez un aîné résidant dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée, un proche aidant ou un professionnel de la santé, il importe de discuter et d’identifier les symptômes ressentis, de connaître les possibilités de dépistage adaptées à l’état de santé, aux facteurs de risque et à l’âge de la personne, et d’obtenir l’heure juste quant aux effets indésirables et aux bénéfices potentiels des traitements existants.
Pour améliorer la qualité de vie des aînés, les professionnels qui travaillent dans les centres d’hébergement bénéficieraient d’une formation continue en oncogériatrie pour se tenir à jour sur le dépistage du cancer chez les aînés, les traitements possibles, la communication avec les aînés atteints de troubles cognitifs, etc. Une telle formation aiderait à garantir à tout patient âgé atteint de cancer un traitement adapté à son état grâce à une approche multidisciplinaire et multiprofessionnelle.