En novembre 2017, le premier ministre Justin Trudeau a publiquement présenté ses excuses aux membres LGBTQ2 (lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transgenres, queers et bispirituelles) quant à l’oppression systématique et au rejet dont l’État a fait preuve à leur égard. Il a souligné que les membres de la communauté LGBTQ2 sont encore aujourd'hui victimes de violence et de discrimination, ainsi que de problèmes de santé mentale et d'itinérance.(1)
Les statistiques nationales disponibles sur les personnes LGBTQ2 au Canada demeurent limitées - le recensement précédent ne comprenant pas de questions exhaustives sur le genre et l'orientation sexuelle. Les statistiques actuelles nous permettent d'estimer que les personnes LGBT représentent environ 13% de la population canadienne (aucunes données n'étant disponibles pour estimer la proportion de personnes s'identifiant comme étant queers ou bispirituelles).(2) Cependant, les personnes LGBTQ2 semblent invisibles chez les personnes âgées, beaucoup ont encore peur de révéler leur orientation sexuelle et leur identité. De plus, beaucoup craignent d'emménager dans des centres d'hébergement où ils risquent d'être victimes de discrimination, d'exclusion et de préjugés.(3; 4)
Pour mieux soutenir les personnes âgées LGBTQ2, il est essentiel de mieux comprendre les défis auxquels elles sont confrontées. Deux revues systématiques, comprenant respectivement 34 et 41 études, offrent un éclairage sur le sujet.(5; 6) Ces revues systématiques ont été menées pour mieux comprendre les influences psychosociales, les besoins et les expériences de vieillissement des personnes non hétérosexuelles et transgenres.
Ce que la recherche nous apprend
La première revue systématique a révélé que les personnes transgenres et non hétérosexuelles vivent souvent plus de violence physique et sexuelle, d'isolement familial et social, de discrimination, d'inégalité économique et de problèmes de santé mentale.(5) Toute leur vie, ces personnes rencontrent des obstacles en matière d'éducation, d'emploi et de logement, tout en ayant des difficultés à avoir accès à des réseaux de soutien social adéquats. En outre, certains membres de la communauté transgenre semblent être confrontés à des politiques et des pratiques discriminatoires dans les services de santé et sociaux, ainsi qu'à un manque de connaissances professionnelles sur leur physiologie ou les effets à long terme des traitements et des hormones.
La seconde revue systématique porte sur les personnes âgées des communautés lesbiennes, gaies et bisexuelles.(6) Les études incluses dans cette revue examinent les influences psychosociales sur le vieillissement chez les personnes non hétérosexuelles en ce qui concerne leur identité (par exemple, l'image corporelle) et sociaux (par exemple, les relations intimes, le soutien social, la discrimination, les soins reçus et donnés, l'accès aux services de santé et au logement). Les résultats suggèrent que les personnes âgées lesbiennes, gaies et bisexuelles réussissent bien à gérer leur identité, ainsi que leur santé mentale et sociale. Cela dit, elles sont confrontées à différentes formes de discrimination dans l'accès aux services de santé, allant de l'âgisme à la discrimination dite «hétéronormative» (elles peuvent être confrontées à des normes et des croyances qui imposent l'hétérosexualité comme seule sexualité ou mode de vie légitime). Une attitude positive envers soi-même et sa sexualité semble être la clé d'une meilleure santé mentale pour les personnes âgées lesbiennes, gaies et bisexuelles, tout comme être dans une relation affective ou sexuelle positive. Une diminution des aptitudes cognitives liées à l'âge (par exemple, une diminution des capacités verbales, du raisonnement non verbal ou de la mémoire) semble toutefois exacerber la stigmatisation et l'isolement social chez les personnes âgées lesbiennes, gaies et bisexuelles.
Que pouvons-nous faire?
Bien que les attitudes changent et que l'on reconnaisse de plus en plus la nécessité d'adapter les soins qui leur sont prodigués, les personnes âgées LGBTQ2 font toujours face à des expériences négatives, notamment des problèmes d'accès aux services de santé et sociaux. Qu'il s'agisse des préjugés ou de l'ignorance d'un professionnel ou de l'impossibilité de discuter librement de leur identité et de leurs expériences, ces facteurs et d'autres tendent à les isoler et à les empêcher d'obtenir des soins par crainte d'être traitées différemment ou d'être ignorées. La discrimination, l'exclusion et les préjugés affectent donc leur santé mentale et physique, et mènent à des symptômes d'anxiété ou de stress post-traumatique qui peuvent nécessiter des interventions psychologiques spécialisées.
Les professionnels de la santé et des services sociaux peuvent aider les personnes âgées LGBTQ2 à renforcer leur résilience en période de troubles émotionnels et à surmonter les défis physiques et cognitifs associés au vieillissement. De plus, ces professionnels peuvent être plus sensibles au fait que les personnes âgées LGBTQ2 peuvent avoir des expériences négatives liées à l'accès aux services, et essayer de mieux impliquer leurs «familles choisies» dans la planification des soins. En effet, les membres de la communauté LGBTQ2 subissent de façon disproportionnée le rejet de leurs familles biologiques ou adoptives. En conséquence, beaucoup établissent des liens profonds et durables avec d'autres membres de leur communauté qui formeront leurs nouvelles familles «choisies». Enfin, une meilleure formation des professionnels et la mise en place de programmes spécifiquement conçus pour les personnes âgées LGBTQ2 peuvent les aider à demeurer en santé, actifs et engagés le plus longtemps possible.