La maltraitance touche entre quatre et dix pour cent des personnes âgées au Canada, mais on estime que seulement un incident sur cinq est signalé à quelqu'un qui peut aider (1).
Et cela n'arrive pas seulement dans les établissements de soins où les résidents peuvent être maltraités émotionnellement, physiquement ou sexuellement par du personnel. Il s'agit là d'incidents souvent très médiatisés. En fait, les proches qui s'occupent de personnes âgées peuvent aussi en être les auteurs, parfois sans même s'en rendre compte.
L'Organisation mondiale de la Santé définit la maltraitance des personnes âgées comme «un acte unique ou répété, ou l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime» (2).
Est-ce que l'on connaît vraiment quelle est la source de ce problème ou quelles sont les meilleures façons de le résoudre?
De nombreux pays ont reconnu la nécessité de protéger les personnes âgées vulnérables et ont agi en conséquence, tout comme ils ont reconnu il y a des décennies que les enfants vulnérables avaient besoin de protection. Au Canada, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux investissent des efforts pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées. D'ailleurs, le Québec a récemment adopté une loi pour lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité (3).
Cependant, la lutte contre la maltraitance envers les personnes âgées est très différente de la lutte contre la maltraitance des enfants. Ce que signifie la maltraitance des personnes âgées - et la manière dont elle doit être traitée - a fait l'objet de nombreux débats.
Au cours de la dernière décennie, de nombreuses recherches ont porté sur la prévalence de la maltraitance envers les personnes âgées, le profil des victimes, les types de maltraitance et les initiatives visant à la prévenir ou à l'enrayer.
Mais que pensent les victimes potentielles de tout cela? Malgré le volume de recherches sur le sujet, la plus grande partie de ce travail est dirigée par des professionnels, et on en sait peu sur la compréhension du terme «maltraitance» par les aînés, ou sur les comportements qu'ils jugent abusifs.
Une revue systématique récente a analysé 15 études portant sur la façon dont les personnes âgées conceptualisent la maltraitance (4). Cette revue donne un aperçu de la façon dont les perceptions peuvent varier entre les victimes, ceux qui prodiguent des soins et ceux qui élaborent des politiques publiques visant à protéger les personnes âgées.
Les 15 études ont utilisé une gamme de méthodes telles que des entrevues et des groupes de discussion pour recueillir les points de vue et les perceptions des participants. La plupart des études portaient sur un petit nombre de participants, mais deux grandes enquêtes ont comparé les perceptions des personnes âgées et des professionnels.
Ce que la recherche nous apprend
Les personnes âgées peuvent avoir des perceptions complexes et diverses sur la maltraitance, dont certaines sont liées à leurs expériences et caractéristiques personnelles, telles que l'âge, le sexe, les relations familiales, les antécédents, la culture et les conditions de vie. Et bien que leurs points de vue correspondent généralement aux définitions professionnelles de la maltraitance - l'abus émotionnel, financier ou physique, ainsi que la négligence - il existe des différences subtiles mais importantes dans la façon dont les personnes âgées considèrent la gravité de cette maltraitance, comparativement aux professionnels.Par exemple, les personnes âgées vulnérables sont perçues comme étant plus sévèrement victimes de maltraitance, et les personnes âgées ont tendance à considérer la maltraitance comme un enjeu plus sérieux que les aidants et les fournisseurs de soins de santé.
La revue systématique a également noté que les conceptions de la maltraitance tendaient à se concentrer sur l'unité familiale, mais que les thèmes liés aux attitudes de la société envers la famille, le sexe, la race et l'âge contribuaient aux perceptions à l'égard de la maltraitance.
Une autre conclusion importante de cette revue systématique est que certaines personnes âgées ne comprennent pas le concept de maltraitance, en particulier la maltraitance de nature sexuelle et émotionnelle. La revue a révélé qu'il est essentiel de sensibiliser la population générale et les personnes âgées à l'égard de la maltraitance.
Les résultats variés présentés dans le cadre de cette revue systématique illustrent la nécessité d'efforts accrus pour faire entendre la voix des personnes âgées et agir en conséquence lorsqu'il s'agit de s'attaquer au problème de la maltraitance. La façon dont les personnes âgées perçoivent la maltraitance - en fonction de leurs antécédents, de leurs croyances et de leurs expériences de vie - doit être prise en compte par ceux qui peuvent les aider.
Les services de prévention et de protection ne seront efficaces que si ceux qui reçoivent ces services comprennent clairement pourquoi ces services sont nécessaires et comment ils fonctionnent.
Grâce à ces informations, les responsables de politiques seront mieux à même de développer des services de protection des personnes âgées fondés sur une compréhension claire des besoins et des préférences des victimes.