Beaucoup de gens qui souffrent de douleur chronique cherchent souvent plus qu’un médicament en vente libre pour les aider à passer la journée. Les médicaments à base d’opioïdes – tels que la morphine, la méthadone, le fentanyl, l'oxycodone (OxyContin®) et l'hydrocodone (Vicodin®), entre autres – sont généralement prescrits en Amérique du Nord pour aider à soulager le fardeau de la douleur chronique (1). Mais que faire quand le soulagement de la douleur par ces « poids lourds » comporte le risque de graves conséquences ?
La douleur chronique, définie comme une douleur qui dure plus de trois mois ou persiste après le délai normal de la guérison, est fréquente. La douleur chronique qui n’est pas liée au cancer affecte environ 20 % des adultes canadiens (2;3). Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables car elles sont plus susceptibles d’avoir des maladies qui contribuent à la douleur chronique comme l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde et la lombalgie (4).
Ironie du sort, c’est en partie en raison de préoccupations concernant les dangers potentiels des « AINS », les anti-inflammatoires non stéroïdiens, couramment utilisés, y compris l’aspirine et l’ibuprofène, que les médecins ont commencé à prescrire des opioïdes (5). Pendant les dernières décennies, leur utilisation a considérablement augmenté en Amérique du Nord. Par exemple, de 1999 à 2010, la quantité d’opioïdes sur ordonnance vendus aux États-Unis a presque quadruplé (6).
Comment cela s’est-il passé ? Comme nous l’avons vu, cela a provoqué un épidémie de toxicomanie et une crise de santé publique en raison de la dépendance aux médicaments, de la toxicomanie et des surdosages. Entre 1999 et 2008, les décès par surdose de médicaments opioïdes aux États-Unis – presque un demi-million – a aussi quadruplé (6). Au Canada, un « raz de marée » de surdose de fentanyl s’est propagé dans tout le pays, représentant 30 % des décès liés aux opiacés en Ontario, selon le Coroner en chef, Dirk Huyer (7). Il est important de souligner la contribution des opioïdes (sans ordonnance) illicites à cette épidémie, mais aussi des problèmes liés aux opiacés prescrits qui tombent dans les mains d’autrui... typiquement pour un usage non médical.
Ce lien entre l'augmentation des prescriptions d'opioïdes et le nombre de décès liés aux opiacés n’est pas un hasard, comme des recherches l'ont montré. Trente-neuf études faisaient partie d’une revue systématique visant à examiner l’efficacité et les risques d’une utilisation à long terme des opioïdes pour soulager la douleur chronique (8).
Ce que la recherche nous apprend
Les auteurs n'ont trouvé aucun essai clinique aléatoire qui mesurait les avantages et/ou les préjudices causés par l’utilisation des opiacés pendant un an ou plus. Bien que cette revue systématique mette en évidence le besoin urgent d’approfondir les recherches sur l’utilisation de plus longue durée, comme les examinateurs cliniques l'ont noté (8), la revue systématique a servi de « réveil » et fournit plus de données pour décourager la prescription de narcotiques pour la douleur chronique.
Entre-temps, de plus en plus de données confirment que les opioïdes apportent en moyenne un soulagement très limité de la douleur chronique (9;10), sans bénéfice accru aux doses plus élevées (8;11). De nombreux experts sont d'accord, ce qui suggère que la tendance à augmenter la posologie alors que les patients restent sensibles à la douleur mais deviennent plus tolérants au médicament, peut accroître les risques de toxicomanie et de surdosage (11;12).
Et maintenant ?
Donc, si les AINS et les opioïdes sont associés à de maigres avantages et des inconvénients significatifs lorsqu’on les utilise pour la prise en charge de la douleur chronique, que pouvons-nous faire ? Jusqu'à présent, un remède efficace et sans danger à la douleur chronique reste désespérément hors de portée et l'objectif principal du traitement passe de l'élimination de la douleur à sa prise en charge. Pour l’instant, on encourage les médecins à ne prescrire des opioïdes qu’en dernier recours et à limiter les doses quotidiennes inférieures ou égales à 90 équivalents de milligrammes de morphine sauf dans des circonstances exceptionnelles (13;14).
Si vous ressentez de la douleur chronique, essayez de faibles doses d'un antidépresseur tricyclique (par ex. l’amitriptyline) (15) ou des thérapies non pharmacologiques comme l’acupuncture, l’exercice ou l'entraînement à la pleine conscience (16;19).
Si votre médecin vous a prescrit des opioïdes pour votre douleur, commencez par la plus faible dose possible. N’oubliez pas que la dépendance physique se développera chez quiconque prend des opioïdes à long terme, et que les symptômes de sevrage aux opiacés peuvent empêcher certaines personnes de réduire leur dose d’opioïde pour atteindre le seuil d'une dose équivalente de morphine inférieure à 90. Parlez à votre médecin de cette possibilité et des stratégies de prise en charge de votre douleur tout en réduisant votre dose (20). Il y a des programmes et des outils disponibles pour aider à la surveillance et à la gestion des ordonnances aux opiacés. Par exemple, le CDC Opioid Guideline Mobile app, la Checklist for prescribing opioids for chronic pain ou le McMaster's DeGroot Pain Centre « Opioid Manager », également disponible comme une application.
La douleur chronique est un problème important et difficile, mais il est impératif que toutes les options de prise en charge apportent des avantages qui l’emportent sur les risques.