Est-ce que le stress de l’aidant naturel influe sur le placement en soins de longue durée ?

Les messages clés

  • S’occuper d’un vieil ami ou d'un membre de la famille atteint de maladies chroniques et/ou incapacitantes peut être gratifiant, mais peut influencer la santé des aidants, leur bien-être et leur qualité de vie.
  • Il est largement admis que si le stress des aidants naturels devient trop grand, les personnes âgées sont plus susceptibles d’être admises en centre d'hébergement et de soins de longue durée.
  • Des études récentes démontrent que le stress de l’aidant naturel n’est habituellement pas le facteur décisif du placement en soins de longue durée.

Le nombre croissant des personnes atteintes de maladies chroniques liées à l’âge a donné lieu à une autre statistique stupéfiante : le nombre d’aidants naturels non rémunérés. Au Canada seulement, plus de 8 millions de personnes – soit 28 % de la population âgée de 15 ans et plus – fournissent des soins aux personnes âgées de leur famille ou amies (1).

Bien que pour certains ce soit une « preuve d'amour », ce n'en est pas moins un dur labeur. Le stress et le fardeau découlant de la prestation de soins peuvent avoir des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des aidants naturels (2,3). Souvent, les aidants épuisés doivent finalement admettre qu’ils ne sont plus en mesure de fournir un soutien et des soins adéquats.

Que faire ? Il y a une opinion répandue selon laquelle le stress de l'aidant naturel est un facteur clé pour déterminer si ceux qui reçoivent leurs soins seront admis en centres d'hébergement et de soins de longue durée (4,5). Mais est-ce vrai? Cette question a fait l’objet d’une récente revue systématique, comprenant 54 études et près de 92 000 participants (6). L’accent est mis sur les personnes de 65 ans et plus ayant besoin de soins chroniques, vivant dans la collectivité et pris en charge par un aidant naturel (généralement un membre de la famille). Divers aspects du stress de l’aidant naturel (l'anxiété, la dépression, l'épuisement, l'effort, le fardeau ou la détresse) ont été mesurés pour voir s’il y avait une association entre les niveaux de stress des aidants naturels et la décision de placer les personnes dont ils s'occupent en soins de longue durée.

Ce que nous dit la recherche

Contrairement à l'opinion répandue, les résultats de l’étude ont montré que le stress des aidants avait en fait très peu d’impact sur la décision et le moment d'admettre les personnes qu'ils soignent en soins de longue durée. Bien que le stress de l’aidant naturel soit un facteur, il ne semble pas être décisif. Au lieu de cela, les gens étaient plus susceptibles d’être admis aux soins de longue durée s’ils avaient des incapacités fonctionnelles et cognitives graves (p. ex., une démence), étaient atteintes de maladies chroniques multiples, prenaient plusieurs médicaments ou avaient précédemment séjourné dans un hôpital ou un autre établissement de soins.

Bien que les données soient intéressantes et utiles – en particulier en montrant comment la recherche peut réfuter des lieux communs – les auteurs de la revue systématique font les observations supplémentaires suivantes :

  1. Les résultats de l’étude ne minimisent en aucune façon le stress lié à la prestation de soins et les effets nocifs potentiels sur les membres de la famille qui prodiguent des soins à leurs proches âgés.
  2. Les résultats varient selon l'endroit où les gens vivent et les systèmes de santé qui supervisent les évaluations professionnelles, le nombre de lits de soins de longue durée disponibles et les critères pour leur attribution.

L’importance et la valeur des aidants naturels et de la famille ne peuvent pas être surestimées – non seulement en termes des services qu'ils rendent à leurs proches, mais en allégeant la pression exercée sur des systèmes de santé surchargés. La poursuite des recherches et des efforts visant à soutenir les aidants naturels est un pas dans la bonne direction.

 

Ce que nous dit une aidante naturelle

Barb est une aidante naturelle qui se reconnaît dans les difficultés et les émotions contradictoires impliquées dans la décision de placer des êtres chers en soins de longue durée. Ses parents ont récemment emménagé chez elle lorsque son père - en raison de ses propres limites de santé - ne pouvait plus continuer comme le seul fournisseur de soins de sa mère atteinte de démence.

Depuis lors, Barb a connu sa part de stress en tant qu’aidante naturelle. « Le souci permanent de la santé de mes parents et les crises fréquentes et intenses de ma mère m’ont mise dans un état constant d’anxiété, » dit-elle. Même si un bureau à domicile lui permet de jongler avec les exigences du travail et de la prestation de soins, « Il est extrêmement difficile de se concentrer sur le travail », trouve-t-elle « et je regrette d’avoir laissé passer autant d’occasions sociales et de chances de me détendre. »

La famille a été jugée « en crise » et ses parents sont maintenant sur la liste d’attente pour le placement en soins de longue durée. Bien que le stress de l’aidant naturel ait contribué à cette décision, Barb mentionne les autres facteurs qui tiennent une importance égale ou supérieure :

Compétences techniques de soins : sans formation adéquate, Barb sent qu'elle et son père « ne sont pas bien équipés pour gérer les comportements les plus difficiles » associés à la démence de sa mère.

Répit des aidants naturels / soutien : Barb a la chance d’avoir des membres de la famille à proximité capables de lui accorder un répit. « Ils aident en appelant ou en me rendant visite afin de me donner une pause. »  Elle a récemment pris des dispositions pour du soutien à domicile privé et a profité de l'assistance de conseillers en intervention, de la société Alzheimer locale, des médecins et des gériatres et du personnel du programme de jour.

Impact émotionnel sur ceux qui reçoivent des soins: « Ma mère n'imagine pas qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec elle et elle sera très probablement encore plus désemparée de se trouver dans une maison de soins de longue durée. J’ai essayé de trouver d’autres solutions et les moyens de faire face à la situation avant de prendre cette décision difficile. »

Incidence sur la santé de ceux qui reçoivent des soins : Barb pense que sa mère « ne reçoit pas les soins et les médicaments qui pourraient aider à traiter certains des symptômes de sa maladie. Le stress et le manque de repos approprié de mon père exercent une pression sur son état de santé et l’ont récemment amené à passer aux services des urgences. »

Les conseils de Barb aux aidants sont clairs : Ne souffrez pas en silence et ne le faites pas seuls ! Parlez aux professionnels, aux amis, à la famille et à d'autres aidants afin de partager l’information et de vous renseigner sur les services et les soutiens locaux. Acceptez les offres d’aide et prévoyez un répit quand et comme vous le pouvez.


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Références

  1. Statistique Canada. Étude : Les aidants familiaux au Canada, 2012. [Internet] 2013. [cité en juin 2016]. Disponible en ligne: http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/130910/dq130910a-fra.pdf
  2. Pinquart M, Sörensen S. Differences between caregivers and noncaregivers in psychological health and physical health: A meta-analysis. Psychol Aging. 2003; 18(2):250–267.
  3. Schulz R, Sherwood PR. Physical and mental health effects of family caregiving. The Am J Nurs. 2008; 108(9 Suppl):23–27.
  4. Deeken JF, Taylor KL, Mangan P et al. Care for the caregivers: A review of self-report instruments developed to measure the burden, needs and quality of life of informal caregivers. J Pain Symptom Manag. 2003; 26(4):922–953.
  5. Gaugler JE, Yu F, Krichbaum K et al. Predictors of nursing home admission for persons with dementia. Med Care. 2009; 47(2):191-198.
  6. Donnelly NA, Hickey A, Burns A et al. Systematic review and meta-analysis of the impact of carer stress on subsequent institutionalisation of community-dwelling older people. PLoS ONE. 2015; 10(6):e0128213.

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