La perte de l’audition, première partie : Est-ce mon audition ou ma mémoire ? Pourquoi les personnes âgées ont-elles de la difficulté à suivre une conversation dans un milieu bruyant ?

Les messages clés

  • Suivre une conversation exige l’utilisation des oreilles pour entendre et du cerveau pour comprendre ce qui est dit, y porter attention et s’en souvenir.
  • Même avant qu’une personne âgée développe une perte auditive significative sur le plan clinique, on observe un déclin de l’audition lié à l’âge qui augmente les problèmes de comprendre l’information au cours d’une conversation, d’y porter attention et de s’en souvenir.
  • Une évaluation de votre audition et l’apport de solutions à vos problèmes auditifs pourraient alléger le fardeau qui pèse sur le cerveau et améliorer votre capacité de comprendre ce que vos interlocuteurs vous disent, d’y porter attention et de vous en souvenir.  

Plusieurs d’entre nous s’inquiètent de la perte de l’audition avec le vieillissement mais nous sommes aussi préoccupés par notre cognition, spécialement notre mémoire. Pour tenir une conversation, on a besoin de ses oreilles pour entendre mais aussi de son cerveau pour comprendre et suivre ce qui se dit et puis s’en souvenir. Certains changements de notre capacité à entendre et à se souvenir font partie du processus normal du vieillissement et d’autres pas. Notamment, la perte de l’audition peut affecter nos interactions sociales et même nous exposer à un risque d’autres problèmes de santé, comme la démence ou les chutes.

Dans cette série en quatre volets, nous examinerons les données concernant :

1.     Comment les changements de l’audition et de la cognition (par exemple, la mémoire) affectent la communication et les interactions sociales chez les personnes âgées en santé (volet 1) ;

2.     Comment une déficience auditive peut être liée à un trouble cognitif et à la démence (volet 2) ;

3.     Ce que les tests auditifs peuvent et ne peuvent pas vous apprendre au sujet de vos problèmes d’audition (volet 3) ;

4.     Quand devez-vous faire évaluer votre audition et quelles solutions peuvent vous aider si vous ou vos proches ont des problèmes (volet 4).

Dans le premier volet, nous examinons les changements auditifs et cognitifs chez les personnes âgées qui ne manifestent pas de pertes significatives de l’audition ou de la cognition (comme la mémoire). Comment les changements de l’oreille et du cerveau affectent la communication quotidienne et les interactions sociales ?

Nous avons besoin de nos oreilles pour entendre mais pour suivre une conversation nous avons aussi besoin de notre cerveau

En vieillissant, des changements surviennent dans l’oreille et dans les circuits cérébraux qui la connecte aux différentes parties du cerveau. Récemment, des chercheurs ont tenté d’en apprendre davantage sur la façon dont l’oreille et le cerveau travaillent ensemble et ils ont découvert de surprenantes connexions. La plupart des gens pensent que les problèmes de compréhension de la parole dans les conversations quotidiennes dépendent de l’oreille mais dans la réalité cela dépend aussi du cerveau. Nous avons besoin de notre cerveau pour interpréter le sens des sons que nous entendons. L’effort mental ou cognitif continuel que l’écoute exige peut engendrer du stress et réduire le plaisir que nous prenons aux réunions familiales et aux autres événements sociaux. Nous devons mieux comprendre comment les capacités auditives et cognitives évoluent avec le vieillissement. Comprendre ces changements nous apportera de précieux renseignements sur les raisons qui expliquent pourquoi tant de personnes âgées trouvent difficile de suivre une conversation particulièrement dans des situations de groupe bruyantes.

On n’a qu’à penser à la difficulté d’écouter une conversation dans une fête. Les problèmes d’audition dans les occasions sociales bruyantes comme les fêtes rendent difficiles de comprendre ce que les autres disent au cours des conversations, d’y porter attention et de s’en souvenir.

Comprendre ce qu’un son signifie :

Parfois on entend un son sans le reconnaître ou le comprendre, surtout si on ne s’y attend pas. Par exemple, on peut entendre un cliquetis à la maison. Cela prend un certain temps avant de comprendre que cela vient d’un volet brisé battant au vent. Ou on entend une personne qui parle dans une langue étrangère sans pouvoir comprendre le sens des mots. Quand on écoute, on utilise le cerveau pour donner un sens aux sons qu’on entend avec les oreilles. La compréhension de ce qu’on vient d’entendre et le contexte de la situation aide à comprendre ce qu’on entendra ensuite. On utilise aussi son cerveau pour décider comment réagir aux sons qu’on entend. Les oreilles peuvent percevoir une alarme incendie. Cependant on a besoin de son cerveau pour décider s’il y a danger et pour planifier une issue de secours.

Porter attention aux sons :

Les gens entendent les sons qu’ils le veulent ou non. Le « bruit » réfère aux sons qu’on souhaiterait ne pas entendre. Par exemple, si on sort pour diner avec des amis, on peut trouver intéressant d’écouter ce qui se dit à la table voisine. La voix de la personne assise à la table voisine n’est alors pas du bruit. Toutefois, si on veut se concentrer sur ce que dit son ami, alors la voix de la personne assise à la table voisine devient du bruit parce qu’on souhaiterait ne pas l’entendre. Quand on conduit, la musique à la radio ou le son du moteur de la voiture seraient du bruit qui interfère avec l’attention qu’on porte à la conversation des passagers Toutefois, si on aime la musique qui joue à la radio ou si on est préoccupé par des sons anormaux de la voiture, alors le son de la conversation des passagers devient du bruit. On a besoin du cerveau pour ignorer le bruit ambiant et porter attention aux sons qu’on souhaite entendre. Ces choix dépendent des objectifs qu’on a dans une situation donnée et pas simplement des sons que perçoivent les oreilles.

Se souvenir de ce qu’on entend :

Se souvenir de ce que dit une personne sera plus facile si :

  • d’abord il est facile entendre les mots,
  • les mots ont du sens dans la conversation et dans le contexte, et
  • on est capable de porter attention à ce que l’interlocuteur essaie de dire.

Encore une fois, les oreilles et le cerveau doivent travailler ensemble pour que l’information qui parvient à nos oreilles puisse être mise en mémoire afin d’être utilisée plus tard.

Comment les changements « normaux » qui surviennent chez les personnes âgées en santé affectent l’écoute dans la vie quotidienne ?

L’audition

Dès la quarantaine, les adultes commencent souvent à noter des problèmes de compréhension de la parole, particulièrement dans les situations bruyantes. Ces problèmes prennent de l’ampleur au cours des ans et des décennies avant qu’on puisse poser un diagnostic de perte auditive. Certaines personnes ont plus de problèmes que d’autres parce qu’elles développent différents types de perte auditive liée à l’âge (voir le volet 3).

La cognition

En vieillissant, des changements surviennent dans la cognition et dans la façon dont le cerveau fonctionne ; certains aspects de la cognition se dégradent mais d’autres s’améliorent (1). D’autre part, un déclin cognitif graduel se manifeste tout au long de la vie adulte sur la façon dont les gens traitent l’information. Quand on essaie de suivre et de comprendre une conversation de groupe, on doit traiter les mots qu’on entend. Un traitement rapide et efficace de l’information, comme c’est le cas dans un lieu bruyant, fait appel à l’audition, mais aussi à la compréhension, à l’attention et à la mémoire. Les changements qui surviennent dans l’oreille avec l’âge (le vieillissement auditif) rendent l’écoute plus difficile. À son tour, la difficulté à entendre réduit l’efficacité du cerveau à comprendre ce qui se dit, à y porter attention et à s’en souvenir. En fait, les gens de tous les âges ont plus de difficulté à comprendre, à porter attention et à se souvenir quand ils sont dans un  milieu bruyant plutôt que dans un milieu calme. Fait important, la quantité de bruit nécessaire pour rendre l’écoute difficile chez une personne âgée est moins importante que chez un jeune adulte. En fait, les différences sur les mesures cognitives de compréhension ou de mémoire observées entre les jeunes adultes et les personnes âgées s’amenuisent ou même disparaissent si les conditions d’écoute durant le test sont ajustées pour rendre l’écoute aussi difficile pour les uns que pour les autres (2).

Nous apprenons à écouter différemment à mesure que nous vieillissons :

Des gains dans certaines capacités cognitives peuvent compenser les pertes liées au vieillissement dans le traitement de l’information auditive. Tout au cours de la vie, il y a des gains dans la connaissance du monde qui nous entoure, dans les connaissances linguistiques (par ex., le vocabulaire) et dans d’autres types d’expertise. Même si entendre l’information, y porter attention et s’en souvenir devient progressivement plus difficile au fil des ans, les personnes âgées utilisent leur expérience et leurs connaissances à leur avantage quand elles écoutent. En d’autres mots, une meilleure capacité d’utiliser le contexte et la connaissance du monde aide les auditeurs âgés à compenser. En compensant, les personnes âgées continuent d’entretenir des conversations et des interactions sociales avec succès. C’est particulièrement le cas dans les situations familières où leurs connaissances constituent un atout réel. Par exemple, être familier avec le sujet en discussion aide l’interlocuteur à compenser sa difficulté à entendre dans un lieu bruyant. Par rapport aux jeunes adultes, les personnes âgées ont tendance à se fier plus à leur connaissance du contexte et moins aux sons des paroles. En utilisant leurs connaissances pour compenser quand il est difficile de suivre une conversation dans un lieu bruyant, les personnes âgées doivent augmenter leur activité cérébrale plus qu’un jeune adulte ne le ferait. À long terme, on observe chez les personnes âgées qui développent des pertes auditives significatives sur le plan clinique des changements permanents de la configuration de l’activation cérébrale qui peuvent mener à un déclin cognitif significatif sur le plan clinique (voir le volet 2). En résolvant les problèmes d’audition (voir le volet 4), on facilite le fait de comprendre ce qu’on entend, d’y porter attention et de s’en souvenir ce qui allège le fardeau qui pèse sur le cerveau.

Dans ce billet de blogue en quatre volets, nous couvrons divers aspects de la perte auditive :

  • Dans le volet 1, nous discutons comment les changements qui surviennent dans l’audition et la cognition (par exemple, la mémoire) affectent la communication et les interactions sociales des personnes âgées en santé ;
  • Dans le volet 2, comment une déficience auditive peut être liée à un trouble cognitif et à la démence ;
  • Dans le volet 3, ce que les tests d’audition peuvent et ne peuvent pas nous apprendre au sujet des problèmes d’audition ; et
  • Dans le volet 4, quand devez-vous faire évaluer votre audition et quelles solutions peuvent vous aider si vous ou vos proches ont des problèmes.

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Références

  1.  Craik F.I.M., Bialystok E. Lifespan cognitive development: The roles of representation and control. In: Craik FIM, Salthouse TA, éditeurs. Handbook of Aging and Cognition.New York: Psychology Press; 2008. p. 557-601.
  2. Schneider BA, Pichora-Fuller MK, Daneman M. The effects of senescent changes in audition and cognition on spoken language comprehension. In: Cordon-Salant S, Frisina FD, Popper A, Fay D, éditeurs. The aging auditory system: Perceptual characterization and neural bases of presbycusis, Springer Handbook of Auditory Research.Berlin: Springer; 2010.

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ: Ces résumés sont fournis à titre informatif seulement. Ils ne peuvent pas remplacer les conseils de votre propre professionnel de la santé. Les résumés peuvent être reproduits à des fins éducatives sans but lucratif. Toute autre utilisation doit être approuvée par le Portail du vieillissement optimal de McMaster (info@mcmasteroptimalaging.org).

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