Quel est le problème ?
Environ 8 % des personnes âgées de 65 ans et plus au Canada souffrent de démence. Alors que les deux-tiers des démences sont causées par la maladie d’Alzheimer, il existe de nombreuses autres causes dont les démences associées à d’autres états pathologiques comme les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et la maladie de Parkinson. La démence se caractérise par des troubles cognitifs (problèmes de mémoire, de langage, de concentration, etc.), des difficultés dans l'accomplissement des activités quotidiennes (la cuisine, le ménage, les finances, le fait de se vêtir et de faire sa toilette, etc.) et des problèmes de comportement. Jusqu'à 90 % des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer développeront des problèmes de comportement au cours de leur maladie, y compris la dépression, l'anxiété, l'agitation, l'agressivité, les psychoses (hallucinations et délires) et l’apathie (perte d’intérêt, manque de motivation). Ce sont ces comportements, également connu sous le nom de « symptômes neuropsychiatriques de la démence », qui causent des souffrances au patient, accroissent le fardeau et le stress des aidants et augmentent le coût des soins. Des comportements comme l’agitation et l’agressivité conduisent à l’épuisement des aidants et à la nécessité prématurée de recourir au placement en centre d’hébergement et de soins de longue durée. Le traitement des symptômes neuropsychiatriques est important afin de soulager les souffrances des patients, d'alléger le fardeau de l’aidant et de retarder le besoin de soins de longue durée.
Quel est le traitement ?
La Conférence canadienne de consensus sur le diagnostic et le traitement de la démence s’est réunie quatre fois au cours des deux dernières décennies pour fournir aux médecins canadiens des lignes directrices en matière de gestion de la démence basées sur les meilleures données médicales disponibles. Les lignes directrices soulignent que le traitement des problèmes de comportement commence par une évaluation et un diagnostic minutieux (1). Il faut cependant considérer d'autres causes de changements de comportement, qui pourraient inclure :
1. une nouvelle maladie (par exemple, une infection urinaire),
2. de la douleur
3. une déficience sensorielle (problèmes de vision ou d'audition non corrigés),
4. des réactions aux modifications de l’environnement (p. ex. un déménagement, des changements d’aidants), et
5. des effets secondaires de la médication.
Si les modifications apportées à ces facteurs n’améliorent pas le comportement, il faut alors envisager des interventions environnementales et comportementales. De plus en plus de données probantes montrent que ces traitements non pharmacologiques sont efficaces et sûrs (2), bien que différents comportements nécessitent des interventions différentes. Par exemple, la musique peut être particulièrement bénéfique pour les symptômes d’anxiété et de dépression et elle peut s’avérer utile pour l’agitation et l’agressivité (3). Apprendre aux soignants les interventions comportementales peut améliorer une variété de problèmes, y compris l’agitation, l’agression et l’apathie (4). Ces interventions comportementales peuvent inclure :
1. répondre aux besoins non satisfaits,
2. renforcer les comportements positifs,
3. ignorer les comportements négatifs.
Offrir du counseling en soutien aux aidants peut améliorer les symptômes dépressifs autant chez le patient que chez l'aidant (5).
Si les interventions non pharmacologiques ne sont pas suffisamment efficaces, les médecins pourraient alors envisager des médicaments pour certains de ces problèmes de comportement. Le traitement pharmacologique pourrait inclure les médicaments typiques de la maladie d’Alzheimer comme le donépézil, la galantamine, la rivastigmine et la mémantine. Ces médicaments semblent présenter des avantages modestes pour le traitement de l’apathie, de la dépression, de l'agitation et de la psychose (6). Certains médicaments psychiatriques, tels que les antidépresseurs, les antipsychotiques et les anxiolytiques, sont aussi utilisés pour traiter les problèmes de comportement (7).
En quoi consiste la controverse ?
Les médicaments psychiatriques mentionnés précédemment sont trop fréquemment utilisés chez les patients atteints de démence. On les prescrit souvent avant une évaluation et un diagnostic appropriés, et avant même d’avoir essayé les traitements non pharmacologiques. En Ontario, d’un tiers à deux tiers des résidents des centres d'hébergements et de soins de longue durée atteints démence sont traités avec des médicaments antipsychotiques. Ces médicaments ont des effets modestes sur l’agitation, l’agression et la psychose. Ils ont aussi des effets secondaires graves connus y compris une sédation excessive, des symptômes ressemblant à la maladie de Parkinson, un risque accru d’AVC et même un risque légèrement accru de décès. Les lignes directrices canadiennes de traitement (8) indiquent clairement que ces médicaments ne doivent servir que pour une agressivité sévère et la psychose ; par conséquent, on les considérera uniquement lorsqu’il y a risque de préjudice à l’égard du patient ou d’autres personnes de leur entourage. En outre, les avantages doivent être pesés en regard des risques importants mentionnés ci-dessus. Il faut informer de ces effets indésirables l'aidant qui est titulaire d'une procuration.