Le délire, parfois appelé état confusionnel aigu, est un syndrome fréquent et potentiellement grave. Il affecte les personnes âgées au cours de maladies (telles que les infections), pendant une hospitalisation ou après une chirurgie. Il peut entraîner des séjours à l’hôpital plus longs et est associé à d’autres complications (par exemple, un risque accru d’admission en centres de soins de longue durée).
Qu'est-ce que le délire?
Le délire est un syndrome qui affecte temporairement la pensée d’une personne. Il interfère avec la capacité à se concentrer, à le rester et au besoin à porter attention ailleurs. Les symptômes s'intensifient et se résorbent souvent tout au long de la journée et peuvent perturber le sommeil. La confusion, l'oubli, les hallucinations (voir ou entendre des choses qui n’existent pas) et le sentiment d'agitation sont fréquents (1 ; 2). Vous avez peut-être rendu visite à un membre de la famille ou à un ami après une chirurgie et vous avez trouvé qu’ils n’étaient pas tout à fait eux-mêmes. Peut-être qu’ils ne se souvenaient plus de là où ils étaient, ou pourquoi ils se trouvaient à l’hôpital. Ils vous ont peut-être paru confus et ils ont dit des choses étranges. Ces symptômes suggèrent le délire. [Pour une autre définition du DSM-5, voir le texte ci-dessous (3)].
Quelles sont les causes du délire? Les facteurs prédisposants et précipitants
Il existe de nombreuses causes de délire, dont certaines sont compliquées. La recherche scientifique identifie les facteurs qui rendent le délire plus susceptibles de se produire. Ces facteurs peuvent être regroupés en deux catégories principales : les facteurs prédisposants et précipitants. Les facteurs prédisposants sont des conditions qui existent chez le patient avant que le délire ne se développe. Les facteurs précipitants sont des conditions qui sont associées avec le début du délire.
Les facteurs prédisposants incluent (2) :
- l'âge avancé
- le sexe masculin,
- un déficit cognitif préexistant (par exemple : problèmes de pensée et de mémoire)
- une difficulté à voir et à entendre
- le fait de prendre plusieurs médicaments en même temps
- d'autres pathologies (diabète, insuffisance rénale chronique, AVC antérieurs, maladie de Parkinson, par exemple)
- certains problèmes cardiaques (par exemple, la fibrillation auriculaire et l’insuffisance cardiaque)
- être un grand buveur d’alcool
Les facteurs précipitants comprennent (2) :
- la pneumonie et d'autres infections
- des résultats sanguins anormaux (par exemple, des taux d'azote uréique ou de créatinine élevés dans le sang)
- une anesthésie récente
- certaines interventions chirurgicales (par exemple, les opérations du cœur ou de la hanche)
- des transfusions sanguines récentes
- les médicaments associés au sommeil ou à l’humeur (par exemple, les benzodiazépines, certains antidépresseurs, les médicaments avec effets secondaires anticholinergiques)
- la déshydratation
- le manque d’oxygène
- les complications médicales
- la pose de contention (ce qui rend les déplacements du patient difficiles)
Comment le délire est-il détecté?
Il y a deux types de délire. Le délire « hyperactif » est habituellement évident car la personne est agitée, confuse et a un comportement qui ne lui ressemble pas. Avec le délire « hypoactif », la personne peut paraître calme et paisible. Il peut être difficile de détecter le délire, à moins qu’un test clinique ne soit utilisé. Le test plus largement étudié est la méthode d'évaluation de la confusion (CAM pour Confusion Assessment Method) (4). Il prend moins de 5 minutes à compléter et est capable de détecter plus de 90 % des personnes atteintes de délire ; le test est négatif dans près de 90 % des personnes sans délire. Ces résultats en font un test très précis.
Comment traite-t-on le délire?
La recherche scientifique n’est pas tout à fait claire sur la meilleure façon d’aider les gens atteints de délire à mieux se porter. Généralement, les médecins croient que le traitement du problème précipitant (par exemple, la pneumonie ou la déshydratation) permettra d'améliorer le délire plus rapidement. Il y a également un certain nombre de choses simples qu'on peut faire pour aider (5 ; 6) :
- S'assurer qu’il y a un bon éclairage dans la salle, afin que les affiches et les autres choses soient facilement visibles
- Apporter une horloge et un calendrier et les placer dans un endroit où ils sont facilement reconnus
- Rendre visite souvent et inciter d’autres amis et membres de la famille à faire de même
- Parler à la personne, en s'assurant qu'on lui explique où elle est, quelle est la date du jour, qui on est (en lui rappelant le lien qu'on a avec elle). Parler de ce qui se passe dans l’actualité. Tout cela contribue à l'orienter et à lui rappeler ce qui lui est arrivé (5 ; 6).
Quand on consulte la recherche, on trouve quatre études qui ont utilisé des horloges et des calendriers pour orienter les patients. Une étude utilisait des horloges et des calendriers mais ajoutait des entretiens spécifiques avec le patient (p. ex. un rappel de l’heure et du jour et autres activités du même genre). Sur la base de l’expérience, le groupe du National Institute for Health and Clinical Excellence (Royaume-Uni) a insisté sur l’importance de la famille et des amis pour la réorientation des patients (5 ; 6). Si la personne est « désorientée » (elle ne sait pas où elle se trouve ou qui on est) c’est vraiment important de le noter ; être désorienté signifie souvent que la personne a des troubles cognitifs sous-jacents ou une démence.
Il y a certaines études qui portent sur l’utilisation de médicaments pour aider les gens qui deviennent vraiment agités lorsqu’ils éprouvent un délire. La science n’est pas très claire à ce sujet, mais parfois les médecins choisissent-ils d’utiliser des médicaments pour les aider. Sans preuve concluante, les médicaments antipsychotiques peuvent être utilisés pour calmer les gens qui sont délirants et très agités, agressifs ou à risque pour elles-mêmes ou pour autrui (7 ; 8). Toutefois, dans le cas où le délire résulte du sevrage alcoolique, on utilise de préférence d'autres médicaments, soit les benzodiazépines.
Peut-on prévenir le délire?
Comme les causes de délire sont multiples, les moyens les plus efficaces de prévention du délire font appel à des stratégies multiples. Les preuves scientifiques ne sont pas concluantes, mais montrent des résultats encourageants. Une tendance est l’utilisation de stratégies dotées de composantes multiples qui montrent un succès modéré en prévention du délire (10-16). Les types de traitements utilisés varient grandement dans les études qui évaluent les programmes. Il est donc difficile de déterminer quels éléments des stratégies dotées de composantes multiples sont efficaces.
Un programme doté de composantes multiples appelé le Programme HELP (Hospital Elder Life Program) a été évalué (16-18). Ce programme se compose généralement de 6 composantes :
- une orientation (par exemple, parler et permettre au patient de savoir où il est et pourquoi il se trouve à l’hôpital),
- l'apport adéquat de liquides par la bouche (boire suffisamment pour s’hydrater),
- des protocoles de vision (en s’assurant qu’il a des lunettes pour bien voir),
- des protocoles d'audition (en s’assurant qu’il a une prothèse auditive),
- une amélioration du sommeil (faire en sorte de les aider à dormir), et
- une mobilisation précoce (se déplacer dès qu’ils le peuvent, comme la marche, la station debout ou le fait de s’asseoir).
Le programme d’aide s'avère utile pour réduire la fréquence à laquelle les personnes développent des délire à l’hôpital (16-18). Ces études sont un bon début, mais à l’avenir, il faudra des études plus concluantes afin de déterminer si cette approche est la meilleure.
Une approche utilisée afin de prévenir le délire après une chirurgie requiert de demander à un gériatre (un spécialiste des soins aux personnes âgées) de visiter et d'examiner les patients après leur intervention (par exemple, la réparation d’une fracture de la hanche). Le gériatre formule des recommandations ciblées basées sur un protocole structuré. Dans une étude qui a utilisé cette consultation gériatrique proactive, le risque de délire postopératoire a été réduit (10). Toutefois, cette étude n’était pas concluante, et des études mieux conçues sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
D'autres interventions ont été essayées, y compris la musicothérapie et l'éducation du personnel soignant (16;19).
Une étude avec quelques problèmes scientifiques suggère un effet positif important pour la réduction du développement du délire à l’hôpital. Cet essai clinique aléatoire a montré que les membres de la famille peuvent réduire d’autant que 50 % le risque pour une personne de développer un délire (20). Cet essai clinique implique ce qui suit :
- l’éducation pour les membres de la famille a été dispensée par le personnel. Cela comprenait des renseignements sur les caractéristiques et les résultats du délire. Cela ne prend que dix minutes. Une brochure éducative a également été fournie.
- Une horloge et un calendrier ont été placés dans la chambre du patient.
- On a évité la privation sensorielle en fournissant des lunettes et des prothèses auditives, le cas échéant.
- La présence d’objets familiers dans la chambre du patient (par exemple, des photographies, des coussins et une radio).
- Réorienter le patient (lui rappeler l’endroit, la date du jour, l'environnement, les nouvelles d'événements récents, etc.).
- Une prolongation des heures de visite (5 heures par jour).
Les preuves scientifiques pour l’ensemble de ces interventions de prévention du délire ne sont toujours pas concluantes. Toutefois, certaines de ces stratégies semblent simples et peu coûteuses à mettre en œuvre.